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Demain, la journée des femmes....
Ce poème que j'ai écrit en 2007 a été publié dans la série de livres "Paroles de..." , aux Arènes.
Les "anciens" d'Artblog l'on déjà lu, ainsi que d'autres articles ici postés, sur mon blog "Caminelle Artblog.fr"; qu'ils m'excusent pour ce replay...
Maria
Elle s’appelait Maria, elle aurait pu s’appeler Myriam, ou Mariem,
Comme beaucoup de ses sœurs asservies
À une Tradition, à un Dieu, à un Homme
Courageuse, travailleuse, dévouée, efficace effacée, sans jamais le savoir
Parce que nul ne le lui avait jamais dit.
Pas de reconnaissance à attendre des autres quand tout est dû aux autres.
Pas l’once d’une revendication quand l’enfance vous a si bien dressée.
Au service de tous.
Des parents d’abord, des frères ensuite, et d’un mari omnipotent enfin.
Ce mari pour qui elle s’est fait belle un jour, il y a si longtemps qu’il ne s’en souvient plus.
Le mari pour qui elle range, nettoie, repasse, recoud, mijote,
Après avoir rangé, nettoyé, repassé, recousu, mijoté chez les autres.
Quand on s’appelle Maria, on a rarement un métier rien que pour soi.
Un mari à qui elle donne sa maigre paye qui met un peu de beurre dans les épinards.
Pas d’enfant à choyer, amour en exclusivité maritale.
Elle se ride déjà à trente ans. À quarante, elle est encore belle, très belle, mais ne le sait pas
Car on ne le lui a jamais dit.
Quand on s’appelle Maria, on ignore tout de cela.
Sa tension bien trop forte harasse son corps énergique, effiloche peu à peu les artères
Mais elle ne veut pas le savoir.
Quand on s’appelle Maria, on marche Et on crève.
Le « ou » n’existe pas, d’autres ont toujours choisi pour vous.
Et voici que ce soir, des gyrophares sont venus éclairer de bleu le devant de sa porte, c’est son mari qui vient d’avoir un accident, c’est ce qu’ils lui disent et elle n’entend déjà plus, elle s’est effondrée à la vue des lumières et des képis.
Il a un genou en morceaux. Il en a pour longtemps à l’hôpital.
« Tu vas venir faire ma toilette tous les jours, je ne veux pas que d’autres s’en chargent ! »
Maria ne conduit pas.
Quand on s’appelle Maria, on ne sait pas conduire.
Alors, chaque jour, elle se lève à quatre heures. Il faut compter une heure et demie de marche d’un bon pas pour se rendre à l’hôpital, une autre petite heure pour la toilette, pour la présence affectueuse. Et puis il faut s’en retourner, pour aller ranger nettoyer repasser recoudre mijoter chez les autres, avant de rejouer la même musique à la maison. Parfois, par tendresse, le pauvre, il doit souffrir tout seul sur son lit blanc, elle refait le soir le trajet du petit matin.
Et c’est à son tour de tomber.
Dans la rue, comme ça, sans prévenir.
On l’a mise tout de suite dans un service spécialisé en hémorragies cérébrales.
Et, la nuit même, elle a oublié qu’elle était dans le coma et a voulu se lever.
Pour aller le servir sans doute.
Elle est tombée du lit. Et elle est morte. Comme tant d’Eves
Comme tant de
Vénus désenchantées
Vassales surexploitées
Vestales non respectées
Vendues prêtées jetées
Violées par virilité
Voilées escamotées
Vierges décachetées
Veuves inhabitées
Victimes ensanglantées
Auxquelles on a inculqué
Le devoir puis le droit mais jamais l’être
Voici le temps des relevailles
Ce sont elles qui ont les clés
Des cités
Et du reste
On s’est gardé de le leur le dire
Lorsqu’elles apprendront qu’elles existent
Les mères, les sœurs, les filles
Feront naviguer les étoiles
Celles qui portent le savoir
Celles qui accouchent l’espoir
Celles qui délivrent la paix
Celles qui enfantent d’amour
Celles qui font de nous des frères.
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Commentaires
Et quand on pense que notre président a remis la légion d'honneur au prince saoudien qui ne respecte pas les femmes !!!!! C'est une médaille de déshonneur !
Biiiizzz à toi !
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et Maria est un si joli prénom,
première fois que je le lis,
un poème qu'on ne peut pas oublier !!!!